4 juillet 2018

Stasiland - Anna Funder


Stasiland est un document historique écrit par l’australienne Anna Funder. Il a été une première fois édité dans sa langue originale en 2003 avant d’être ré-édité le 1 septembre 2011 chez les éditions Granta Books. Il a gagné le prix Samuel Johnson en 2004.
Prix : ₤9.99
Nombre de pages : 288

Résumé :

« Stasiland est le roman de la Stasi, la redoutable police secrète de l'ex-Allemagne de l'Est. Il s'articule autour de quelques personnages réels (victimes ou ex-agents) emblématiques de l'époque. (…) Ces histoires individuelles nous entraînent au cœur d'un régime camisole et nous racontent la folie de ces années Stasi. Elles évoquent une réalité qui dépasse la fiction, un monde où la vie n'était jamais privée. »



Mon avis :

     Ce livre traînait dans la bibliothèque. Son dos jaune attirait sans cesse mon regard qui ne s’y appuyait jamais assez longtemps pour que je déplie les bras et le tire. A chaque retour en Allemagne je repartais avec une valise lourde de livres, promesses d’évasion dans un pays qui me dépaysait déjà. Un jour je l’ai ajouté avec la ferme conviction de le lire avant de déposer mes bagages en France. Son dos jaune m’a scruté des mois encore. Fin juin est arrivé, je repartais mi-juillet, c’était maintenant. J’ai ouvert ses pages qui commençaient à jaunir, humé son odeur de bois vieillissant et compté les pages que j’aurai à tourner. Entre la dernière page et la quatrième de couverture un ticket trônait. Librairie Galignani. Ticket : 31 du 18/01/2016 13:25:51. Depuis ce jour-là j’avais eu le temps de toucher de ma paume le mur de Berlin, poser un pied après l’autre dans le No Man’s Land, passer le Check-point Charlie et prendre un billet pour m’installer à Munich. Il était grand temps de découvrir ces pages qui m’attendaient depuis plus de deux ans.

      Nous sommes en hiver 1996. Il fait froid, les flocons tombent et s’entassent sur les manteaux des passants. Anna Funder travaille au service de télévision d’outre-mer crée par le gouvernement d’après guerre dans le but de diffuser une image plus positive des allemands. Elle s’occupe d’émettre des réponses aux courriers des internautes. Un jour elle reçoit un courrier d’un homme, ex habitant de l’est, expatrié en Argentine qui souhaiterait raconter son histoire au temps du mur. Elle propose à ses supérieurs de mettre en lumière les histoires qui ont fait l’Histoire du pays. C’est décliné. On ne souhaite pas transmettre les points de vues venant de l’est. Elle poste une annonce. Elle parlera des histoires des Ossis, qu’ils soient d’anciens agents de la Stasi ou leurs victimes. Elle écrira Stasiland.

      Anna Funder habite un appartement en mauvais état dans l’ancien Berlin-est. Sa propriétaire passe souvent à l’improviste vider les lieux pour combler son nouveau logement. Les bibliothèques perdent leurs ouvrages avant de découvrir complètement le sol, les objets disparaissent un à un et le sol se dénude. Il leur arrive de s’asseoir autour d’un café fumant et d’évoquer le passé. Ce temps où les Nazis semblaient s’être dissous dans la séparation de l’Allemagne, se faisant innocenter par le régime communiste où tous devaient prôner ses valeurs. Ce temps où il n’y avait plus de Nazis, de prostitution ni de chômage, où tous étaient frères. Ce temps où le mur s’était construit dans la nuit et le silence le 12 Août 1961. Ce temps de séparation, de terreur et de délation. 30 ans pour que la S.T.A.S.I. (Le ministère de la Sécurité d'État) change son nom en Amt für Nationale Sicherheit, acronyme de Nasi.

      Anna Funder a rencontré sa propriétaire qui, à peine majeur, avait été coupée de tout avenir. Elle essuyait refus sur refus pour étudier ou travailler, apercevait une camionnette qui stationnait trop longtemps et régulièrement devant sa porte. Elle a rencontré Miriam qui, à 16 ans, a posé des affiches de contestation contre le régime avant de tenter de passer le mur. Elle a entendu l’histoire irrésolue de Charlie disparu en prison ou encore celle de l’ex agent de la Stasi, faux aveugle pour mieux espionner les passants. Anna Funder dépeint ceux qui ont participé à écrire l’Histoire. Les histoires se suivent, alternent les positions et les convictions, les sexes et les âges. Elle écrit sur la complexité des êtres et de la période, du travail de mémoire comme du respect du silence de ceux qui ne veulent plus dire. Elle écrit sur la peur du quotidien et des voisins, sur l’avenir où rien ne semble plus impossible.

      A la manière d’un roman l’écriture est fluide et les pages se cambrent pour que la suite se dessine. J’en viens à tourner la dernière page, là où le ticket est coincé. Je l’observe à nouveau en ne comprenant pas pourquoi le temps l’a enfermé là si longtemps.

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