8 avril 2018

Les guerres de mon père - Colombe Schneck

Les guerres de mon père est un roman biograhique sur la famille de Colombe Schneck et plus précisément son père, Gilbert Schneck. Il est paru le 3 Janvier 2018 aux éditions Stock.
Nombre de pages : 341.
Prix : 20,50 euros.

Résumé :

     « Quand j’évoque mon père devant ses proches, bientôt trente ans après sa mort, ils sourient toujours, un sourire reconnaissant pour sa générosité. Il répétait, il ne faut laisser que des bons souvenirs. Il disait aussi, on ne parle pas des choses qui fâchent. À le voir vivre, on ne pouvait rien deviner des guerres qu’il avait traversées.
     J’ai découvert ce qu’il cachait, la violence, l’exil, les destructions et la honte, j’ai compris que sa manière d’être était un état de survie et de résistance.
     Quand je regarde cette photo en couverture de ce livre, moi à l’âge de deux ans sur les épaules de mon père, je vois l’arrogance de mon regard d’enfant, son amour était immortel. Sa mort à la sortie de l’adolescence m’a laissée dans un état de grande solitude. En écrivant, en enquêtant dans les archives, pour comprendre ce que mon père fuyait, je me suis avouée, pour la première fois, que nous n’étions pas coupables de nos errances en tout genre et que, peut-être, je pouvais accepter d’être aimée. »



Mon avis :


     J’aurais dû prendre le métro, m’enfoncer sous terre, lire à la lumière artificielle et lever les yeux aux mots « Bitte zurückbleiben » pour vérifier que je n’avais pas manqué mon arrêt. Mais les week-ends à Munich, sur la ligne 2 du U-Bahn, il y a des travaux. A l’intérieur, sont posées sur les murs, des flèches jaunes « SEV ». Je les suis, gravis les marches et m’engouffre dans le tramway de substitution. La lumière du soleil filtre, demain soir elle durera une heure de plus. Je lis dans le brouhaha quotidien que je n’entends plus.

     Les chapitres sont courts et dynamisent le récit. Je coince mon doigt au milieu de deux pages le temps de reprendre mon souffle. Je me demande pourquoi il fait si beau ici quand entre ces lignes il fait si froid. Je pense à mon propre père et au sien. Au grand-père que je n’ai jamais connu et qui me fascine. Je pense à ses guerres. Celle pendant laquelle il est né, celle pour laquelle il s’est porté volontaire et celles du quotidien. Je pense à son corps fin tout en longueur, à ses silences et la force qui s’en émanait pourtant. Je récupère mon doigt, libère le papier et lis Colombe Schneck comme si je l’écoutais. Comme si elle me narrait son histoire, assise en face de moi, sur la place libre du tramway. Comme si elle me chuchotait les secrets de sa famille paternelle comme un encouragement pour creuser les miens. Comme si elle me chuchotait les souffrances de sa famille face à l’immigration, la séparation, la haine antisémite pour que je prenne plus encore conscience qu’il y aura toujours un peuple à lyncher. Les portes s’ouvrent, l’air caresse mon visage. Je marche l’esprit ailleurs, d’un pas tranquille. Je suis en retard d’un quart d’heure, mes amis m’attendent au coin de la rue pour que l’on aille au Petit Paris, boire du café et grignoter français. Je m’excuse en allemand pour que l’on se comprenne, c’est la langue qui nous réunit, nous français, italiens et grecs. Je pense aux Schneck qui ont répété ça, langue après langue, pays après pays, avec le désir de s’intégrer, d’enfin appartenir à l’un d’eux. Je pense aussi à ma famille paternelle qui a immigré en France et ne nous a jamais transmis sa langue.

     A la caisse du Petit Paris, lorsque je tends mon billet, je m’arrête sur la carte verte à bordure bleue qui dépasse d’un rabat de mon portefeuille. Il ne dépasse que l’écriture blanche : « République Française ».

      Je tourne la dernière page dans le calme de ma chambre, la tête posée en arrière sur la tête de lit. Comme si la boule du fond de ma gorge allait partir plus vite, que les perles aux yeux allaient se ravaler… Je me réveille avec le soleil sur mes joues. J’attrape mon téléphone et ouvre une application. Je lis « meurtre antisémite à Paris ». Je repense aux mots de Colombe Schneck quant aux pensées que l’on peut avoir concernant les périodes de guerre. Ces pensées que l’on a tous « Qu’aurais-je fait ? Aurais-je été collabo, attentiste ou résistant ? » Comme elle l’explique, ce que nous aurions fait hier réside dans nos actions d’aujourd’hui. Si je ne fais rien contre la haine dont certains laissent nourrir leur cœur, si je ne contre pas ces violences avec de la bienveillance, de l’amour, des mots, des actes, pourquoi l’aurais-je fait hier ?

     Je ferme l’application, regarde par la fenêtre les enfants qui rient et jouent dans le parc. Je regarde le monde tourner comme il l’a toujours fait. Cette fois, je ne m’efforce pas de placer ma tête en arrière.

4 commentaires:

  1. Un bel article qui donne envie de lire CS et me ramène un peu du côté de mon père.
    Pour cela, en plus de tout l'immense reste, merci.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et merci à toi d'avoir nourri mon appétit livresque ainsi que de participer à faire vivre ce blog.

      Supprimer
  2. Je viens de te lire, Louise, et je pose ma tête en arrière, contre mon oreiller...Je n'ose même pas imaginer la lecture du livre de Colombe mais promis, je le lirai.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour ce commentaire... Tu me diras ce que tu en penses.

      Supprimer