26 janvier 2018

Tant que nous sommes vivants - Anne-Laure Bondoux

Tant que nous sommes vivants est un roman écrit par Anne-Laure Bondoux et publié le 24 Septembre 2014 chez les éditions Gallimard Jeunesse. Il a reçu le Grand Prix SGDL du roman jeunesse.
Nombre de pages : 304.




Résumé :

          «Bo et Hama travaillent dans la même usine. Elle est ouvrière de jour, lui, forgeron la nuit. Dès le premier regard, ils tombent follement amoureux. Un matin, une catastrophe survient et ils doivent fuir la ville dévastée. Commence alors pour eux un fabuleux périple à travers les territoires inconnus... Mais quand l'ombre a pris la place de la lumière, l'amour suffit-il à nous garder vivants ?»

Mon avis :          
          A Noël il y avait toutes sortes de cadeaux qui jonchaient le sol au pied du sapin. Des cadeaux plus ou moins volumineux, aux formes allongées ou rondes. Sur chacun d’entre eux étaient écrits les noms en manuscrit. Avec le temps j’ai appris à reconnaître les tracés et les pliages. Ceux-là étaient différents et l’emballage avait cette signature confirmant que c’était elle. Céline, de la Librairie-Café m’avait offert un livre pour Noël. Il y a de ces petites attentions du quotidien qui mettent les larmes aux yeux et du baume au cœur. Sans mots annonciateurs, sans attente, on vous fait savoir que l’on pense à vous et que l’on souhaite partager encore quelques aventures.

          Je n’aurais pas acheté de moi-même un livre de la collection « Pôle fiction » de Gallimard. Le « à partir de 13 ans » que lui collait le dos jaune me chuchotait ses mots réducteurs : « tu n’es pas le public visé, tu as passé l’âge. ». Céline avait pensé autrement et il m’intéressait de savoir pourquoi.
L’histoire s’ouvre sur un prologue aux contours assez flous. Ça parle d’usine tournant à plein régime, enrichissant les villes et l’avarice jusqu’au jour où ce que l’on pensait intangible nous échappa. « Il faut toujours perdre une part de soi pour que la vie continue. » l’illustrera à la manière d’un gimmick lancinant. Il y a ensuite ces chapitres aux titres antithétiques qui s’enchaînent toutes les dizaines de pages. Ces titres qui ne réduisent pas la vie et ses passants, comme l’œuvre d’Anne-Laure Bondoux ne réduira pas sa géographie, son espace temps ou son enveloppe corporelle. Rien ne nous indique précisément si nous sommes dans une époque contemporaine ou passée, en France ou ailleurs, si lisons réellement sur des Hommes ou sur des bêtes. Tout peut être envisagé bien que l’impression de se trouver au début du XXe siècle est page après page, un peu plus forte.

«Quand ils furent face à face, le vacarme sembla s'atténuer, comme si la neige avait soudain recouvert les fours, les ponts roulants, les poches à coulées, les extrudeuses. Plus personne ne poinçonnait, plus personne n'ajustait ni ne soudait ; nous avions du coton dans les oreilles.
Sous nos yeux, leurs mains se frôlèrent.
Un sourire d'enfant illumina le visage de Hama, et un frisson secoua la grande carcasse de Bo. Nous aurions juré assister à des retrouvailles.
Cela ne dura qu'un instant, quelques secondes fragiles, gracieuses, volées à l'entêtante nécessité de l'Usine. Mais cela suffit à nous rappeler une chose essentielle : le feu qui brûlait dans le ventre de nos fourneaux brûlait encore dans nos veines. Contairement à ce que nous croyions, nous n'étions pas morts.»

          Bo et Hama travaillent à l’usine de leur ville. C’est là qu’ils se sont rencontrés et aimés. C’est là que leurs amis travaillent et que leur vie se construit. Puis le déclin arrive avec ses gros souliers. Il écrase et déchire les richesses et les corps. Le cœur meurtri mêlé à la peur du malheur la population qui semblait unie se scinde et la violence pullule. Il faut trouver un coupable, un marginal, un vulnérable. S’ensuivent alors la fuite, la faim et la bataille de l’humanité. Conserver son amour pour l’autre, l’envie d’aimer son prochain et de lui tendre la main. Bo et Hama s’aventurent dans des contrées inconnues, aux êtres couleur endive et aux croyances sans cesse renouvelées. Les paysages, les illusions, les compagnons de fortune, les aptitudes, l’amour et les êtres se vivifient ou s’éteignent selon les saisons. Car : « Il faut toujours perdre une part de soi pour que la vie continue. » Ainsi va la vie. Aussi sombre et belle qu’elle soit. Un bonheur ne peut grandir sans qu’un jour, son antonyme survienne. Relever son genou du sol, essuyer son sang et son sel et admirer les fleurs éphémères sur les bas côtés, tant que nous sommes vivants.

          Je remercie Céline pour avoir pensé, à juste titre, que ce roman me plairait. Et qu’un dos jaune n’en était pas moins profond et accessible aux plus grands. Je remercie aussi Anne-Laure Bondoux pour ce voyage en terre inconnue, aux formes et aux visages flous ou déformés, et de me demander un second effort de lecture pour mettre en lumière toutes ces métaphores. Et si l’on continuait ? Car tant que nous sommes vivants, l’aube sera grandiose.

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