Les Gratitudes est
le deuxième roman du triptyque de Delphine de Vigan sur les liens
invisibles qui unissent les Hommes. Il a paru le 6 Mars 2019 aux
éditions JC Lattès.
Nombre de pages :
192
Prix : 17 euros
Chaque année,
j'attends de découvrir son nom sur des articles que ne ne lirai pas.
Chaque année, je regarde la date à laquelle sort son nouveau roman
et l'heure à laquelle je pourrais me rendre en librairie. Je m'y
rends avec la crainte qu'elle m'ait loupée et l'espoir qu'elle me
transcende. Je touche sa couverture double matières en me disant que
le noir marquera fortement la trace de mes passages au milieu des
pages, que le coquelicot ne retiendra pas. Le coquelicot, fleur
éphémère, vulnérable aux contacts et aux déracinements, ne tient
debout sans flétrir qu'un temps. Son rouge sang contraste dans le
noir comme une lumière vive et résonne en rappel aux Loyautés. Je
tourne et retourne le livre. Je me désole de l'épaisseur, je ne
passerai que peu de temps auprès de Michka, Jérôme et Marie. Je
sens les pages et vérifie que chaque bord soit lisse. Je l'achète
en espérant, de manière un peu psychotique, qu'il ne s'abîme pas
dans ce sac aux milles et une choses.
Lorsque je débute
ce roman, je culpabilise de mettre mes lectures de cours en pause.
Puis j'oublie. Je me laisse, une nouvelle fois, embarquer par la
plume poétique de l'auteure. Je me laisse prendre par l'histoire,
les poils hérissés et l'oreille sourde à ce qui m'entoure. Je
relève la tête à 50 pages de la fin. Je ne veux pas le terminer ce
soir, dire au revoir à cette écriture qui me tambourine l'âme. Je
ne veux pas quitter Michka, que les mots quittent. Je ne veux pas
quitter cette femme qui ne semble avoir d'âge que le déclin fatal
du temps qui la rattrape. Cette femme savait manier les mots, elle
avait une place importante dans un magazine. Mais au fur et à mesure
du temps, ils se confondent et se perdent. Ils s'évanouissent entre
ses lèvres et se reconstruisent dans ses rêves. Elle rentre en
EHPAD, accompagnée par Marie dans cette épreuve. C'est là-bas
qu'elle fera la rencontre de Jérôme l'orthophoniste. Du haut de mes
22 ans, je me demande encore comment Delphine De Vigan a fait pour
réussir à me parler tant, d'un sujet si loin.
Pourtant,
l'universalité des sentiments décrits rend cet ouvrage accessible à
tous. La sensibilité, la peur des pertes en gradation, le manque de
contrôle, les gratitudes. Les gratitudes. Ces mots que l'on n'ose
pas toujours dire pour remercier les gens qui ont bouleversé nos
vies par de petits mots ou de grands actes et inversement. Je lis à
mes proches des passages à voix haute pour entendre l'écho des mots
dans mon cœur et le leur. Je lis des paragraphes entiers en
contrôlant le chevrotement de ma voix, plus pour mon plaisir égoïste
que parce qu'ils le désirent vraiment. Je lis le passage sur les
gratitudes, le regard forcé et appuyé, comme si mes mots
transperçaient ceux de l'auteure et qu'ils les recevaient pour
eux... Il reste du travail. Quoi qu'il en soit, Delphine de Vigan :
merdi.
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