King Kong Théorie est un essai féministe français écrit par Virginie Despentes et publié le 28 septembre 2007 chez Le Livre de Poche.
Nombre de pages : 145
Prix : 6.10 euros
Le silence
enveloppait le studio. Les quelques cartons d’affaires personnelles
jonchaient le sol. Les papiers protecteurs recouvraient le lino et
l’aube faisait danser ses rayons sur ma nouvelle indépendance.
Accoudée au rebord de la fenêtre j’essayais de délimiter les
contours de ce ciel laiteux. La lumière blanche s’allongeait sur
les toits de briques rouges et délabrés. Le quartier allait se
réveiller, faire chanter ses klaxons stridents, noyer ses sirènes
dans la vitesse. Sur la pointe des pieds j’ai tendu mon buste au
vent et aspiré l’air du nord. L’ère de nouveaux espoirs, de
nouvelles affirmations, de nouvelles routes à sillonner.
Les livres
renferment les étapes qui m’ont façonnées. Lorsque j’ouvre ses
pages les senteurs d’antan me reviennent et me rappellent ces temps
qui ne sont plus. Les souvenirs se dessinent et je me remémore
l’écho des voix, les gestes oubliés, les sentiments éprouvés. Je me suis assise, j’ai retourné les ciseaux et
j’ai entaillé le carton. J’ai sorti des piles de promesses
entières et j’ai tiré celui qui marquerait mon entrée à Lille :
King Kong Théorie de Virginie Despentes.
Virginie Despentes
a légitimé ma colère sourde, mes contestations tues. Elle m’a
soufflé ses mots à l’oreille quand j’investissais mon quartier,
m’a incombé de lever la tête au milieu d’hommes aux langues
sifflantes, de comprendre mon tiraillement dans mon silence,
résistant et faible. « Les hommes, en toute sincérité,
ignorent à quel point le dispositif d’émasculation des filles est
imparable, à quel point tout est scrupuleusement organisé pour
garantir qu’ils triomphent sans risquer grand-chose, quand ils
s’attaquent à des femmes. » Le
manifeste féministe qu’est l’essai King Kong Théorie
explose la parole, les normes et la notion de genres. Il
repositionne la femme en tant qu’être fort et déterminé, libre
de parole, pensée, de son corps et sa jouissance.
« Le sexe de l’endurance, du courage, de la
résistance, a toujours été le nôtre. Pas qu’on ait eu le choix,
de toute façon. » Il est
profondément pro-pornographie
et pro-prostitution démontrant
la force (oppression) des injonctions culturelles
pour maintenir un ordre
patriarcal (et marital) et
maternant de l’État. « Quand on empêche les putes
de travailler dans des conditions décentes, c’est évidemment aux
femmes qu’on s’en prend, mais c’est aussi la sexualité des
hommes qu’on contrôle. » J’ai
re-bombé le torse, assoupli ma démarche et déployé mon sourire.
J’ai écouté plus activement La Poudre,
ajouté Le Deuxième Sexe
de Simone de Beauvoir et Une Chambre à soi
de Virginia Woolf à ma liste de futures lectures. J’ai ajouté King Kong
Théorie à ma liste de futurs
livres à offrir. Et j’ai
répété ces paroles en boucle : « Qu’y
a t-il de si bénéfique pour les femmes dans cette façon dont les
choses se passent qui vaille qu’on y aille si doucement, dans les
coups que nous portons ? », « Il ne s’agit
pas d’opposer les petits avantages des femmes aux petits acquis des
hommes, mais bien de tout foutre en l’air. »
A
nous deux Lille !
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