4 février 2018

Belle du seigneur - Albert Cohen


Belle du seigneur est un roman suisse écrit par Albert Cohen et publié en 1968 chez les éditions Gallimard dans leur collection Blanche. Ce roman a reçu le grand prix de l’Académie Française.
Nombre de pages : 845.

Résumé : (quatrième de couverture)
« Avec cet ample roman, dont le titre aurait pu être Le Livre de l’Amour, c’est une fresque de l’éternelle aventure de l’homme et de la femme qu’après un long silence nous offre l’auteur de Solal, de Mangeclous et du Livre de ma mère. »




Mon avis :

           Un mois, un classique. Sur mon carnet, noté à côté du mois de Janvier, se trouvait Belle du seigneur d’Albert Cohen, roman écrit entre 1930 et 1968 avec une période d’arrêt de 1939 à 1945. Je savais qu’il ne fallait pas que je mette trop longtemps pour le lire, autrement, il serait de plus en plus dur d’y revenir et d’en venir à bout. Si je tape ces mots aujourd’hui, c’est que j’ai réussi à le terminer pendant le mois de Janvier, non sans peine lorsque je voyais s’enchaîner des pages de pensées décousues, sans paragraphe, sans dialogue, sans ponctuation.
           Belle du seigneur est un livre sur l’amour. Sa naissance, sa passion, sa violence, sa routine, sa mort. L’auteur en fait l’éloge autant que sa critique. Avant de succomber à l’amour les personnages se tiennent à leurs valeurs et convictions, émettent des pensées rationnelles et réfléchies. Lorsque l’amour s’immisce dans leur corps, tout semble être remis en question. Les personnages répondent à des désirs dits bestiaux, qu’ils répètent en signe d’amour. Ils se montrent sous leur meilleur jour, passent des heures devant le miroir pour que le reflet donné à voir soit toujours synonyme de perfection. Ils prévoient des sujets de conversation qui pourraient plaire telle une liste anti-routine. Ils disent leur amour à répétition jusqu’à ce que les mots perdent de leur mordant pour éviter de laisser le silence les envahir et entrevoir la moindre lueur d’ennui. C’est un jeu de dupe pour ne jamais se montrer faible, vulnérable, moins désirable. Ils sont en continuelle quête d’admiration et d’étincelles. Ils dénaturent l’authentique.
« Elle est tellement persuadée que ce qui compte pour elle c’est la culture, la distinction, la délicatesse des sentiments, l’honnêteté, la loyauté, la générosité, l’amour de la nature, et cætera. Mais, idiote, ne vois-tu pas que toutes ces noblesses sont signes de l’appartenance à la classe des puissants, et que c’est la raison profonde, secrète, inconnue de toi, pour que tu y attaches un tel prix. C’est cette appartenance qui en réalité fait le charme du type aux yeux de la mignonne. Bien sûr, elle ne me croit pas, elle ne me croira jamais. »

           Albert Cohen sous le thème de l’amour, fait des parallèles et utilise sa violence pour en critiquer la perversité de l’attrait qu’ont les hommes et les femmes aristocrates pour la puissance. Cette puissance des forts, des détenteurs de pouvoirs, et pour certains, des anti-sémites. Cette puissance animale aussi, transmise par le passé, d’homme fort, tueur de gibier. Selon lui, la femme, sans jamais ne l’admettre serait attirée par un homme dit viril, fort, capable de tuer pour elle en protecteur. Elle aimerait sa puissance sociale, le savoir capable de démunir autrui, le faire couler. Elle aimerait ce qu’il inspire. L’homme quant à lui, serait également attiré par un statut social élevé, quitte à manipuler son entourage en jouant des relations. Le titre serait alors plus important que le fond du travail à effectuer dans le poste désiré. Les relations et la vie sociale ne seraient qu’une représentation théâtrale où chacun joue son jeu de dupe pour gravir l’échelon social et faire vibrer son auditoire. Avec nos propres loyautés érigées pour satisfaire l’aimé et les relations sociales, sommes-nous des êtres superficiels ? Aimerions-nous toujours l’autre si nous le voyions déchu de tous ses biens, ses liens sociaux, sa puissance ?

           Avant de tourner la dernière page du roman, je ne savais qu'en penser. Les personnages m’avaient tour à tour plu ou déçu, amusé ou révolté. Je les avais trouvés touchants ou détestables, embrassé leur vision de l’amour puis rejeté violemment au paragraphe suivant. Ce roman m’a fait éprouver une chose et son contraire, me poussant jusqu’à sa dernière ligne. A ce moment, j’ai levé la tête, cligné quelques fois des yeux, et j’ai relu la ligne. J’ai refermé le livre en me disant : « C’était une lecture si particulière, qu’elle me marquera l’esprit encore longtemps. Belle du seigneur, c’était quelque chose. »

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